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Qui suis je?
Afin de me présenter, je vais égrainer quelques souvenirs et
survoler dans les lignes principales les différentes
périodes qui ont jalonnées mon parcours professionnel au
sein des ateliers de Quatre Mares.
Comment je suis devenu "Cheminots"
Il était une fois… Non, n’exagérons rien,
ma carrière n’a rien d’un conte. Mais cependant il m’est
très agréable de me retourner sur mon passé et de me
souvenir de chaque étape de ma vie professionnelle, souvent
très riche en rebondissement et en enseignement.
Rien ne me prédisposait à être Cheminot.
Aucun membre de ma famille n’a travaillé à la SNCF avant
moi. Fils d’un humble manœuvre de l'industrie privée, mon
père ne m’a donc pas transmis la fibre.
Né en juin 1958, je suis sorti de l’école
industrielle de Rouen en juin 1975 avec, en poche, un
CAP d’ajusteur mécanicien. J’ai alors 17 ans, et je
suis diplômé pour travailler sur des machines-outils.
J’aurais pu, comme beaucoup de mes camarades de classe, me
retrouver derrière une rectifieuse, un tour, un étau limeur
ou encore une fraiseuse. Il n’en sera rien.
Les entreprises de l’agglomération
Rouennaise à cette époque n’embauchaient déjà plus et c’est
par hasard que je pousse la porte de la SNCF où je postule
pour un emploi. Cette année-là, le 20 octobre, commençait
pour moi ce qui allait être une grande aventure. J’entrais
de plein pied dans le monde du chemin de fer.
Où je découvre un monde
inconnu
Je suis embauché à cette date aux
Ateliers de Quatre Mares comme mécanicien et dès lors mon
environnement sera un gigantesque hall de 250 mètres de
long, de 25 mètres de large et 15 mètres de haut.
Les Ateliers, appelés aujourd'hui
Technicentre Industriel (TI), ne sont pas à confondre avec
les dépôts appelés aujourd'hui Technicentre de Maintenance
(TM).
Leurs différences se situent dans
le périmètre de leurs interventions. Si les TM sont chargés
des premiers niveaux de maintenance (visite de maintien en
service en général allant de l'échange de filtres au
remplacement d'organes dans la mesure où leurs
infrastructures leurs permettent), les TI sont chargé des
interventions lourdes nécessitant, outre une immobilisation
prolongée des locomotives, des moyens industriel important
(révisions générales ou limités des locomotives, réparations
nécessitées par des avaries touchant la structure des
locomotives, révisions d'organes pour les échanges en TI ou
en TM).
Je me souviens du premier jour comme si
c'était hier. Pour la première fois, après avoir franchis
une porte métallique, j’entrais dans ce hall appelé le «hall
C», Nef géante de l’atelier divisionnaire « A3 ».
Autour de moi des locomotives,… des
quantités de locomotives. Sur chacun des 6 postes fixes que
comportait le hall, une locomotive était en cours de
réparation; ici une BB 67400, là une A1A-A1A 68000, plus
loin une CC 72000. Sur les voies d’entrées, côté «
Rouen », deux machines étaient en cours de démontage.
Notamment une CC 72000 de laquelle on sortait le groupe
électrogène (moteur diesel + alternateur). Je n’avais jamais
vu de moteur de cette taille. Je me souviens être rentré
chez mes parents le midi et leur annoncer fièrement :
« Et bien à Quatre Mares, on a des moteurs diesel qui
ne tiendraient pas dans notre cuisine… ».
Sur chacune des 3 voies de sortie, côté «
Paris », 3 machines étaient en cours de finitions et
d’autres venues pour des réparations accidentelles.
Bien que diplômé pour réaliser des
usinages au centième de millimètre, l’outillage qui m’était
alors attribué était constitué de marteau, tournevis,
burins, clés plates et à tubes de toutes dimensions, cliquet
avec des douilles de 8 à 51 mm. Aujourd’hui, avec le recul
je n’ai aucun regret. Au lieu d'avoir passé 40 ans de ma vie
dans 3 à 4 mètres carrés au pied d’une machine outils, ma
vie professionnelle a été mouvementée et riche en
expériences de tous genres.
Où je découvre le
travail en équipe
La première équipe où je suis
affecté est l’équipe « CC 72000 ». A cette époque, en
effet, les équipes étaient séparées par séries de
locomotives. Mis en double avec un ancien, comme le voulais
la tradition, j’allais faire la découverte d’un monde
dont je ne soupçonnais même pas l’existence. N’étant
pas issu d’une famille de cheminots, j’avais tout à
découvrir. Dans cet univers nouveau et étrange pour moi,
l’étendu des connaissances à acquérir me semblait très
vaste.
Premier poste, la
révision des éléments de toitures des CC 72000.
Ce fut mes premiers contacts avec la suie
qui pénètre sans vergogne les moindres pores de la peau des
mains. Je n’ai jamais su travailler avec des gants et malgré
le soin apporté au nettoyage de mes mains, elles ne tenaient
pas la comparaison avec les mains de bureaucrate comme j’en
ai aujourd’hui. Les silencieux d'échappements du moteur AGO
V16 qui équipait les 72000 polluaient autant l’extérieur que
l’intérieur de la locomotive. J’allais passer les 6 premiers
mois de ma vie professionnelle à ce poste. La journée de
travail commençait à 7h00 pour se terminer à 16h59. Et oui,
à la minute près il n’était pas 17h quand la sonnerie de la
sortie se faisait entendre. On ne rigole pas avec l’heure au
chemin de fer, c’est bien connu.
Ensuite, afin de continuer mon
apprentissage de la CC 72000, j’ai été chargé de la remise
en état des cabines de conduites. Ces dernières, bien que
les locomotives fussent au début de leur vie, devaient subir
quelques modifications qui nécessitaient de la part des
agents des qualités physiques pour leur réalisation. Je
pense notamment à une tâche qui obligeait à passer 1 heure
dans chaque cabine, assis dans un placard d’un mètre carré
sous un pupitre, pour remplacer des robinets de commande des
essuies vitres et des laves vitres par le dessous. Je ne
compte pas les éraflures qui vinrent gratifier mon cuir
chevelu. Un autre moment mémorable est celui où je devais me
hisser sur le nez de la machine afin de démonter les rampes
de laves vitres. Dans une position instable, l’opération
consistait à dessouder à l’aide d’un burin les platines de
fixation des dites rampes. Fréquemment le marteau ratait sa
cible et venait martyriser le dessus de mon pouce ou de mon
index. Le dur apprentissage du métier direz-vous. J’avais 18
ans à peine.
Une autre fois, alors que je découpais au
chalumeau oxyacétylénique des boulons sous une locomotive,
un de ceux-ci, rouge de sa fusion récente, vint à tomber
dans le soufflet d’une de mes chaussures mal fermé. La
chaussette en matière synthétique n’a pas apprécié et mon
pied non plus. Ce fût un rappel des plus cuisants aux règles
élémentaires en matière de sécurité.
Parmi les souvenirs qui me reviennent il
en est un très particulier. Ce devait être en 1976 ou 1977.
L’hiver était déjà bien en place lorsqu’un matin, alors que
le jour n’était pas encore levé, l’EDF coupe l’alimentation
électrique de l’établissement. Une grève (tiens ???).
Plus de lumière dans les ateliers, plus
de chauffage non plus. Le chauffage qui n’était déclenché
que depuis peu n’avait pas encore eu le temps de réchauffer
ces grands réfrigérateurs que représentaient de tels halls.
Les anciens à ma grande surprise ne s’en affolaient pas et
prenaient plutôt ça comme un contretemps qui prêtait à
l’amusement. Dans le chantier de l’équipe 72000 il y avait
un grand marbre d’au moins 1,50 mètre au carré. Rapidement
des morceaux de palettes y sont entassés et enflammés pour
produire les deux choses qui importaient en ce petit matin
frileux : la lumière et la chaleur. Aussitôt les discussions
allaient bon train et ainsi, alors que l’on n’y voyait pas
au-delà de 10 mètres dans le reste de l’atelier, notre petit
monde continuait à exister et nos voix se perdaient dans
l’obscurité. De place en place d’autres braseros étalaient
leurs lueurs contre l’armature des charpentes métalliques.
De-ci de-là, des éclats de voix et de rire nous rappelaient
que nous n’étions pas seuls, et que dans chaque équipe, une
situation semblable avait les mêmes effets. D’y penser me
réchauffe encore le cœur souvent. Des événements comme
celui-ci se sont reproduit 3 ou 4 fois dans l’hiver.
Un autre moment mémorable était celui du
repas de noël. La même année, entre noël et le jour de
l’an, j’allais passer un moment inoubliable. En effet,
il était encore à cette époque une tradition qui consistait
à améliorer le casse-croûte quotidien pour la fin d’année et
à se réunir autour d’une grande tablée où chacun amenait
sous forme de victuailles sa petite contribution. Pour
l’occasion, la table avait été dressée dans la fosse laissée
libre après la dépose du groupe électrogène d’une CC 72000,
à ce moment en cour de révision générale. Le groupe AGO V16
une fois déposé avait laissé un espace libre permettant la
mise en place de tréteaux et de planche de bois
matérialisant une table de fortune d’une dimension peu
commune.
Chaque agent de l’équipe, 10 si ma
mémoire est bonne, avaient pris place autour de cette table.
Assis sur les planchers des coursives, les discussions
allaient bon train et chacun refaisait le monde à sa manière
entre deux bouchées de pain tartinées d’un bon gros pâté de
campagne ou d’un camembert fleurant bon la Normandie. Autour
de cette table nous n’étions que 4 d’une vingtaine d’années
et nous écoutions les anciens nous narrer leurs exploits
plus ou moins récents. Je m’en souviens comme si c’était
hier… mais plus de 40 ans se sont écoulés depuis.
Changement
d'organisation = 1er changement de poste
Fin 1978, à mon retour du service
militaire, la restructuration de l’atelier « A3 » dont je
dépendais, sera l’occasion d’un nouveau changement d’équipe.
Désormais, les travaux à réaliser sur les
locomotives sont répartis entre les équipes « Caisse » (une
par série d’engin), « Aménagement Cabine » et « Pavillons ».
Les deux derniers officiants pour toutes les séries.
Ma nouvelle affectation sera cette
dernière. Mon équipe était chargée de la remise en état des
toitures de toutes les locomotives. Les travaux de tôlerie
et de remplacement d'organe sur les « Pavillons », car c’est
sous ce nom que sont nommés les toitures des locomotives à
QM, occupaient une douzaine d’agents. Cette équipe est
rapidement chargée d’une charge supplémentaire :
l’accouplement des moteurs diesels.
En fait il s’agissait d'assembler le
moteur diesel et le générateur électrique qui lui était
accouplé et qui transformait cet ensemble en groupe
électrogène (d’où l’appellation de « locomotives
diesel-électrique »). Pendant 2 ans j’allais côtoyer de près
tous les types de moteur équipant les locomotives dont QM
avait la charge.
La "RA" où tout baigne
dans l'huile, le gas-oil et la suie
L’équipe « RA » naîtra en 1980 des
besoins de l’établissement en regard du nombre important de
révisions accidentelles. Chargée d’opérations ponctuelles et
ciblées telles que le remplacement de groupe électrogènes ou
de réfrigérants défectueux, elle englobera naturellement les
accouplements des moteurs et moi avec... Ce sera pour moi
l’occasion d’expériences professionnelles nouvelles. En
effet, J’allais déposer les groupes électrogènes pour
procéder au remplacement du générateur ou du moteur diesel
et reposer les groupes reconstitués.
Dans l’équipe « RA » on travaillait par
groupe de deux agents. La locomotive « dépotée »,
c'est-à-dire vidangée de son combustible et de son liquide
de refroidissement, était à nous. Méthodiquement nous
commencions par déposer les pavillons. Si pour les CC 72000
la dépose d’un seul pavillon suffisait, pour les autres il
fallait au moins en déposer deux. Contrairement aux autres
équipe, la majeur partie des éléments déposés allait
reprendre leur place dans la locomotive une fois le groupe
réintroduit sans qu’un quelconque nettoyage ne leur ai été
prodigué. Ce qui fait que les agents de l’équipe « RA »
étaient dotés d’une paire de bleu supplémentaire. Malgré
cela, et du fait de l’état de l’intérieur des locomotives et
notamment des pavillons et des abords du groupe électrogène,
on reconnaissait un agent de la « RA » à son aspect en
permanence gras et noir de suies.
Les pavillons déposés, les liaisons
reliant le groupe électrogène à la caisse étaient démontées
tout aussi méthodiquement et chaque organes de liaisons
déposé ainsi que les flexibles et la visserie étaient
contrôlés. A l’aide d’un pont roulant et d’un portique
adapté au groupe, le moteur était alors sorti de la caisse
pour rejoindre le centre de l’atelier « A3 » où une aire de
stockage l’attendait. Nous nous y rendions alors et
commencions par déposer les gaines de ventilations de la
génératrice principale ou de l'alternateur qui ornaient
chaque groupe. Fabriqués à base de résine de polyester, ces
gaines étaient ensuite envoyées au nettoyage. L’alternateur
des CC 72000 ou des BB 67000/400 ainsi que la génératrice
principale des A1A A1A 68000/500 et des BB 63000 était
contrôlés en isolement entre autre par les électriciens
spécialistes concernés après avoir été déposés des moteurs
diesels.
Si, sur certains moteurs tels que les
moteurs Pielstick ou AGO V16, l’accouplement se résumait à
l’assemblage d’éléments, les moteurs Sulzer et AGO V12
équipant respectivement les 68000 et 68500 revêtait pour moi
plus d’intérêt. Des contraintes techniques supplémentaires
rendaient l’opération plus intéressante. En effet, la
recherche de l’alignement le plus précis possible entre
l’axe l’induit du générateur et celui du vilebrequin du
moteur imposait une attention soutenue. Lors de cette
opération, les réglages permettaient un alignement avec une
précision de 5 centièmes de millimètre. Par le biais de vis
de réglage en bout de génératrice et l’interposition d’un
comparateur entre les contrepoids du vilebrequin, il
s’agissait de réduire au minimum le jeu de déflexion. Ce
réglage effectué il fallait aléser des douilles de guidage
dans la carcasse de la génératrice avec des alésoirs ayant
une conicité de 2%. Cette opération était réalisée à l’aide
d’une aléseuse à main pneumatique d’environ 10 à 15 kg
portée à hauteur d’épaule par deux agents entraînés. Ces
alésages réalisés, les goupilles mises en place venaient
solidariser solidement et durablement le dispositif de
réglage avec la carcasse de la génératrice.
Une particularité des AGO V12 consistait,
après l’accouplement, à remonter deux turbocompresseurs et
deux éléments de refroidissement placés au-dessus de la GP.
Cette opération nécessitait une attention particulière
compte tenu des incidences sur les liaisons avec les
tuyauteries du moteur diesel. L’alignement devait être
parfait.
L’opération finale, quel que soit le
groupe était alors la remise en place des gaines de
ventilation.
Si l’accouplement d’un alternateur
nécessitait en moyenne une journée et demie, celui d’une GP
prenait environ 5 jours sur un moteur AGO V12 ou Sulzer.
Ensuite le groupe était remonté en caisse où se déroulaient
les opérations inverses.
Les A1A-A1A 68000 ainsi que leurs
consœurs les 68500 avaient de plus, pour particularité
commune, un compartiment moteur très étroit. Faire le tour
du groupe représentait une difficulté particulière pour le
passage devant la GP dans le compartiment électrique. Parmi
les tâches à accomplir, la mise en place de l’arbre à cardan
reliant le groupe au compresseur d’air demandait une
certaine dextérité. En effet, l’opération était réalisée à
bout de bras tendus et à genoux dans la coursive. Si la mise
en place de la première vis tardait un peu, il fallait alors
déposer doucement l’arbre et reprendre un peu de force avant
de recommencer.
Les liaisons des circuits de combustible
et du liquide de refroidissement remises en places, les
pavillons étaient remontés et les silencieux reliés au
moteur diesel. Les électriciens venaient ensuite procéder au
raccordement électrique du groupe. S’en suivait les pleins
en carburant et en liquide de refroidissement.
Toutes ces opérations, une fois
réalisées, avaient pris pour une 68000 par exemple, deux
bonnes semaines. Il pouvait alors être procédé aux essais.
Un 1er lancement sous les hottes d’aspirations en voies de
sortie permettait le contrôle des branchements des
différents circuits. Ensuite la machine était dirigée sur le
poste de tarage où toute une panoplie d’essais en tous
genres lui était infligée. A ce poste, des thermiciens et
des électriciens suivaient un protocole d’essais très cadré
suivant des paramètres précis afin de s’assurer que les
caractéristique de la machine répondait aux exigences et
pouvait être réintroduite sur le réseau ferré.
Six ans dans cette équipe me permettront
de connaître un peu plus profondément les locomotives. Les
circuits de combustible, d'huile et d’eau de
refroidissement, par exemple, n’avaient, pour ainsi dire,
plus de secret pour moi. Cette expérience facilitera
l’acquisition d’un niveau de qualification supérieur (TEN ex
OHK) en 1985 par la réussite à un examen qui avait, à
l’époque, tout d’un concours. (Si un seul poste était à
pourvoir et que 30 agents se présentaient, les notes
obtenues, curieusement, débouchaient presque toujours sur la
réussite d’un seul agent). Pour préparer cet examen j’avais
dû, comme tous mes collègues, potasser une grande
collection de documents de maintenance. Il fallait connaître
toutes les particularités des locomotives traitées à Quatre
Mares. Je me souviens que parmi les épreuves pratiques
j’avais eu à procéder au lancement du moteur diesel d’une CC
72000. Ceux qui ont eu à le faire s'en rappellent toute leur
vie.
Changement radical
d'environnement
Ce sera l’occasion d’un nouveau
changement de poste. Me voici alors promu « Agent n°1 »,
comme on disait alors et qui consistait en plus du travail
de technicien à être l’adjoint du chef d’équipe, de l’équipe
« Aménagement des Cabines ».
Dans cette équipe, j’allais me trouver
confronté à des travaux d’un tout autre genre. Ainsi, la
taille des composants, de la serrure de porte à la paroi
frontale des locomotives, en passant par l’ameublement des
cabines, les outils dès lors de dimensions plus réduite et
la visserie qui s’échelonnait des diamètres 4 à 8
millimètres généralement, devenaient mon nouveau terrain
d’activité. Je ne compte pas le nombre de tarauds cassés qui
m’ont obligé à apprendre par la force des choses à maîtriser
mes ardeurs en regard des pertes de temps occasionnés pour
en extraire des morceaux.
Succédant aux clés de 41 mm que
j’utilisais précédemment, le petit cliquet avec des douilles
de 6 à 13 mm ainsi qu’une panoplie de tournevis composaient
désormais mon outillage quotidien.
L’entretien des portes d’accès ainsi que
des portes et trappes intérieures, le remplacement de paroi
frontale de cabine de conduite, le remplacement des tapis de
sol, la maintenance des ameublements de cabine ainsi que des
cloisons antibruit et pare feu, la mise en place des agrès
de sécurité, tels étaient les différents emplois à occuper.
Parmi les tâches qui m’étaient dévolues
il en est une à laquelle j’ai participé à la mise au point.
En effet, suite aux tragiques accidents de trains de
"Flaujac" et "Argenton-sur-Creuse" qui vinrent marquer
profondément les esprits au milieu des années 80, J’allais
participer entre autre à l’installation des équipements des
radios sol-train dans les cabines des locomotives. Des
pupitres à la toiture des cabines, beaucoup de modifications
structurelles étaient entreprises. Afin de réaliser cette
application sur l’ensemble des machines en un minimum de
temps, l’organisation des travaux en chaîne fut mise en
place.
L’ambiance dans les équipes et les
différents ateliers, n’en déplaise à certains, n’était pas
mauvaise. Il y avait du travail pour tous et les garçons de
ma génération étaient nombreux. En effet, de 1975 à 1985,
les embauches se sont succédé. Il s’avère que la majorité
des départs en retraite se déroulaient cycliquement environ
tous les 15 ans. C’est dans cet environnement et dans une
ambiance bon enfant malgré la rigueur imposé par les règles
d’entretien des locomotives et les obligations nées du
respect des programmes de révisions que j’allais passer les
16 premières années de ma vie professionnelle.
Rebelote... Le
management
Fait du hasard, de même que j’avais passé
le dernier examen de « TEN » officiel, c’est en 1991 que je
me présente et que je réussis à l’examen de « Chef d’équipe
». Je fais partie de la dernière charrette d’agent promus de
cette manière « académique ».
C’est donc avec cet examen en poche que
je suis nommé dirigeant de l’équipe Frein la même année et
que, pendant 10 années consécutives, j’allais goûter aux «
joies » du management.
Il est difficile pour un non-cheminot de
réaliser ce que peut représenter l’activité Frein. J’en ai
vu sourire plus d’un à l’évocation d’une « Équipe Frein ».
Nous utilisons tous sur nos automobiles des freins sans nous
poser toujours la question sur la complexité de son
fonctionnement et de sa maintenance. Alors sur une
locomotive…
Sur une locomotive, ce sont des dizaines
de mètre de tuyauteries de sections différentes. Des
dispositifs de commandes et de distributions représentant un
nombre incalculable de pannes potentielles et de fuites
parfois internes donc difficilement détectables. Sans
compter les servitudes tels que les avertisseurs, le
sablage, les essuies vitres et laves vitres etc… qui sont,
sur les locomotives, alimentés par de l’air comprimé ; donc
du ressort des « Freinistes ». Toutes les locomotives qui
sortent des ateliers, qu’elles soient entrées pour une
révision ou pour une intervention accidentelle subissent
avant leur départ un essai de frein strict et encadré par
des contrôles rigoureux. Je garde encore en mémoire, alors
que j’en suis parti depuis plus de dix ans, d’innombrables
souvenirs de cette période. Le professionnalisme des agents
de mon équipe et le profond respect qu’ils avaient chacun
pour leurs taches a été pendant ces dix années source d’une
grande satisfaction.
Où je me suis découvert
une passion dévorante pour l'histoire
C’est pendant cette décennie que je
découvre, grâce à mon collègue et ami Loïc Leblanc qui
dirigeait l’équipe « Caisse 72000 », l’existence du
patrimoine photographique de l’établissement. 5000 négatifs
dont 3000 sous forme de plaques de verre dormaient entassés
dans une armoire cachée jalousement sans doute.
Machinalement, sans nous en rendre vraiment compte au début,
nos esprits et nos volontés réciproques vont de concert nous
amener à nous associer dans une tâche à laquelle nous
n’étions pas préparés. Farouchement volontaires et bénévoles
nous avons pendant 4 années travaillé d’arrache-pied à la
reconstitution de l’histoire de notre établissement.
Trier des milliers de négatifs photographiques, développer
artisanalement et avec nos propres deniers des centaines de
clichés, réaliser des expositions photographique dans les
mairies des communes de Sotteville-lès-Rouen et de St
Etienne-du-Rouvray, réaliser des interviews et rassembler
tout ce que nous pouvions comme information pour bâtir
complètement la maquette d’un livre, sera pour nous un
challenge permanent.
Combien de fois avons-nous eu peur que ce
soit "la montagne qui accouche d’une souris". Avec la
complicité d’un collègue retraité, Raymond Thieulin, ainsi
que d’autres collègues bénévoles actifs, nous nous sommes
réunis en association sous loi de 1901 et avons créé le «
G.A.Q.M », acronyme de « Groupe Archives Quatre Mares ».
Au cours de ces quatre années, nous nous
retrouvions presque tous les samedi matin dans
l’établissement désert pour retravailler ensemble les textes
que je rédigeais pendant la semaine en dehors des heures de
service. La cerise sur le gâteau viendra en décembre 1996
nous récompenser avec la livraison à Quatre Mares des livres
édités par « La Vie du Rail ».
Au début du deuxième semestre 2001 et
après 26 ans passés dans l’atelier A3 je change à nouveau de
poste. Pendant un an et demi je suis chargé de la
préparation de la mise en assurance qualité de l’atelier
thermique appelé « A7 ». Ma mission est d’assister l’atelier
dans le but d’obtenir la certification selon la norme ISO
9001. Cet objectif réalisé je vais rejoindre pour trois ans
la cellule qualité où j’apporterai mon expérience dans le
cadre de la certification de l’établissement.
Et dix de der...
En fin d’année 2003, et contre toute
attente, je me décide à franchir un nouveau pas. L’accession
à la qualification « E » (appelé jadis « contremaître »).
Dernier baroud d’honneur, j’allais une fois de plus me
remettre le nez dans les bouquins.
Deux ans passeront à l’assimilation des
connaissances nécessaires. Une fois de plus la réussite est
au rendez-vous.
Ce sera l’occasion en 2005 d’ajouter une
nouvelle corde à mon arc. En effet, bien que mes
connaissances thermiques ne sont que d’ordre général, il
m’est proposé un poste de rapporteur au service technique
thermique de l’établissement. Mon rôle est maintenant de
transcrire les règles d'entretien définies par les
motoristes dans le formalisme de la SNCF et de les adapter
aux dégradations réelles constatés au cour de la vie en
service des moteurs.
Les moteurs qui me sont confié sont ceux
du constructeur MTU. Ils équipent les BB64700, BB69000/400
et les BB75000/100/400. Qu'à cela ne tienne, le challenge me
plaît. L’étude de la maintenance de ces moteurs, de
fabrication Allemande, m’occasionneront d'ailleurs des
formations chez le constructeur à Friedrichshafen.
Je dois dire que comme bâton de maréchal
il est difficile de trouver plus passionnant après une
carrière voué aux locomotives diesels électriques.
C’est mon côté altruiste et philanthrope
qui me pousse en 2008 à me consacrer à une nouvelle tâche
qui revêt pour moi une grande importance. Ayant été pendant
4 années le « scribe » du G.A.Q.M., j’étais le mieux placé
pour retracer sur le Web l’histoire de mon établissement.
Passionné d’informatique et autodidacte, je me suis pris au
jeu de la mise en page et de la programmation.
Les textes sont tirés des recherches du
G.A.Q.M. et n'ont pas été corrigés ni filtrés par des
experts de la langues française. Il ne fait aucun doute que
cela puisse choquer les puristes et je leur présente ici mes
sincères excuses.
J’espère que ce site aura le bonheur,
sinon de vous satisfaire, au moins d’éveiller votre
curiosité sur cette partie du métier de cheminot qui, bien
qu'inconnu ou mal connu du grand public, joue un rôle
important dans la sécurité et dans la qualité du transport
ferroviaire français.
C'est le 1 juillet 2015 et après 40
années passées dans ce monde à part que je rends mon
tablier, sans tambour ni trompette. L'heure de la retraite a
sonné. Que de chemin parcouru depuis mon arrivée à Q.M. Que
de souvenirs aussi...
A tous mes collègues et amis d'hier...
Amicales pensées
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